Hopiho

BLACK IS BEAUTIFUL

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Il y a quelques mois, le président Donald Trump avait choqué la planète entière lorsqu’il avait utilisé l’expression «shithole» pour désigner Haïti et les pays africains. Trump avait ensuite ajouté qu’il aimerait avoir plus d’immigrés venant des pays comme la Norvège. Cette réflexion démontre tout simplement qu’il y a une hiérarchie entre les races dans l’esprit du président américain.

Les gens s’étaient alors mis en quatre pour nous rappeler qu’il y a de nombreux immigrants africains qui ont des parcours exceptionnels et dont la contribution à la société américaine est inestimable. Sur les réseaux sociaux, j’ai vu de nombreux citoyens américains (d’origine nigériane) nous rappeler qu’ils avaient des diplômes, un emploi stable, une maison et des voitures de luxe. Le but de leur démarche n’était pas d’exhiber leurs signes extérieurs de richesse, ils voulaient tout simplement lutter contre les stéréotypes négatifs (véhiculés par les partis d’extrême droite) qui sont régulièrement associés aux immigrants venant des pays du tiers-monde.

Selon les fachos, un immigrant noir est soit un assisté, soit un criminel. En partageant leurs success stories sur internet, les ressortissants des «pays de merde» voulaient tout simplement montrer au monde entier que l’immigration n’est pas une mauvaise chose et peut avoir des effets positifs.

J’ai assisté à tout ce spectacle sans broncher. J’ai refusé de partager mon histoire pour trois raisons:

  1. Tout d’abord, mon parcours n’a rien d’exceptionnel
  2. Ensuite, je doute de l’efficacité de la méthode. J’aurai beau écrire un témoignage poignant, les racistes ne changeront pas d’avis, donc c’est peine perdue.
  3. Enfin, bien que ma race soit déshumanisée en permanence (cf. la pub de H&M), je n’ai aucune envie de prouver mon humanité à qui que ce soit.

Tout ce spectacle sur les réseaux sociaux m’a fait penser au mouvement «Black is beautiful» des années ’60 où les Noirs clamaient qu’ils étaient fiers de la couleur de leur peau. La chanson Say it loud, I am black and proud de James Brown était l’hymne du mouvement. Dans son livre Je suis noir et je n’aime pas le manioc, Gaston Kelman disait que cette affirmation de la fierté noire était surtout un cri de désespoir et de supplique envers ceux qui ne reconnaissent pas notre humanité. Je suis tout à fait d’accord avec lui.

A cette époque-là, Les Noirs voulaient tout simplement prouver leur humanité à ceux qui en doutaient, à ceux qui la remettaient en cause. Une cinquantaine d’années plus tard, je me rends compte que les choses n’ont pas vraiment changé. Nous sommes toujours dans le même bateau. Le constat est amer et ça me désole.

Le Noir se bat constamment pour démontrer qu’il est comme tout le monde. Cette nécessité de prouver qu’il est un être humain me gêne, me chagrine. Beaucoup de mes frères s’égosillent pour rappeler au monde entier que leurs ancêtres étaient les amazones du roi de Dahomey, les princes de l’Empire du Ghana et les docteurs de Tombouctou. J’ai tout simplement envie de leur rétorquer que «mes ancêtres étaient sûrement des cireurs de chaussures sans envergure, mais cela ne fait pas de moi un sous-homme».

Le Noir proclame sans cesse son humanité en réaction à l’attitude infériorisante des autres. Le prix Nobel nigérian de littérature Wole Soyinka n’avait pas hésité à se moquer ouvertement des Africains qui demandent sans cesse aux autres d’accepter qu’ils sont des hommes. «Parle-t-on de tigritude pour définir un tigre?», avait-il demandé. «Le tigre ne proclame pas sa tigritude, il saute sur sa proie.»

L’année vient de commencer, mais je suis déjà essoufflé. Je suis fatigué :

  1. De faire partie de la brigade antiracisme. Ce qui était censé être un emploi à temps partiel est devenu un job à plein temps depuis l’avènement de Donald Trump. Tous les jours, le nombre d’actes racistes ne cesse d’augmenter. Le racisme qui était latent, il y a quelques années, est devenu manifeste.
  2. De boycotter les marques. Aujourd’hui, avant d’acheter un produit, je suis désormais obligé de faire un tas de vérifications: est-ce que cette société emploie des noirs? Est-ce que les propriétaires sont racistes? Bref, acheter un nouveau produit est devenu un long processus. Je suis fatigué.

J’espère que le deuxième trimestre sera moins éreintant, mais je sais que c’est un vœu pieux. Bonne semaine!

Hopiho

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