La chanson Kill Bills est une source de fierté pour moi, mais c’est également une source de frustration. Évidemment, je suis très fier d’avoir participé à cette magnifique chanson, cependant ma frustration est liée au fait que Kill Bills a mis la barre trop haut. La chanson est sortie depuis une quinzaine d’années et elle continue à me hanter. Depuis 2005, j’ai enregistré au moins une centaine de chansons, mais aucune d’entre elles n’arrive à la cheville de Kill Bills.

Kill Bills est un des highlights de ma carrière musicale et je dois une fière chandelle à mon frère Fluggy,  car la chanson n’aurait jamais vu le jour sans son impulsion.

Le Making of

En 2004, Walimelo m’envoie l’instrumental de Kill Bills. Dès que je l’écoute, c’est le coup de foudre : je tombe amoureux du beat sur-le-champ. Je commence alors à écrire de nombreux couplets, mais je n’en garde qu’un seul. J’efface tous les autres car ils ne sont pas à la hauteur de mes attentes.

Pendant plusieurs semaines, j’essaie de terminer la chanson, mais malgré tous mes efforts, je n’arrive pas à parvenir à mes fins. Toutes mes tentatives sont des échecs cuisants. Je décide donc de mettre la chanson de côté car elle me frustre.

Quelques mois plus tard, Fluggy tombe par hasard sur l’instrumental et me dit qu’il veut chanter dessus. Je lui donne le thème de la chanson et je lui dis que j’ai déjà écrit un couplet de 16 mesures. Dès que je lui donne le feu vert, Fluggy se met au boulot et écrit un couplet de malade qui va servir de véritable catalyseur, puisque la chanson Kill Bills sera enregistrée en studio quelques semaines plus tard.

Je me rappelle de ce que j’ai ressenti la première fois que j’ai entendu le fameux couplet. J’étais sur le cul. Cependant, avec du recul, je me rends compte que je n’aurais pas dû être surpris parce que ce n’était pas la première fois qu’il me montrait qu’il était capable de créer des mélodies de qualité avec une facilité déconcertante.

La genèse

Aujourd’hui, je suis capable d’écrire un couplet de rap en moins de deux heures, mais sachez que cela n’a pas toujours été le cas. À la fin des années 90, j’ai fait mes premiers pas dans la musique au sein du groupe Wanted, avec mon frère Fluggy. À cette époque-là, nous ne savions pas comment rapper, alors on avait souvent recours au plagiat. À la fin d’un concert plutôt réussi, nous avons fait un examen de conscience, et nous avons pris la ferme résolution d’arrêter de pomper les lyrics des rappeurs américains.

Je me suis donc retrouvé dans une situation délicate, car j’étais désormais dans l’obligation d’écrire mes propres couplets. C’était une épreuve assez difficile, car j’étais obligé de tout apprendre sur le tas. Je n’avais pas de mentor et je n’avais surtout pas accès à Google. J’étais dans une véritable impasse : je crois que j’ai écrit deux phrases en deux mois. J’étais vraiment en panne d’inspiration et je commençais à me faire une raison : le rap, ce n’est pas pour moi. Il faut que je me concentre sur le foot.

C’était le désespoir total et j’étais à deux doigts de lâcher l’affaire. Alors que j’étais sur le point de baisser les bras, le déclic est venu d’une source inattendue : mon frère Eric, alias Fluggy. Il venait de terminer l’écriture de son couplet et il voulait que je lui donne mon avis. Mes attentes n’étaient pas très élevées, donc je lui ai dit : «vas-y, rappe un peu que je rigole beaucoup et fort».

Inutile de vous dire que j’ai eu tort de sous-estimer Fluggy. Son coup d’essai était un véritable coup de maître. Le couplet de Fluggy était tout simplement hors-norme. Je n’en croyais pas mes oreilles : comment est-ce qu’un mec, qui mange la même nourriture que moi, est capable d’avoir un flow aussi mélodieux? J’étais assez perplexe : à cette époque-là, Fluggy et moi dormions dans la même chambre. Nous allions dans la même école et avions les mêmes fréquentations. Comment avait-il réussi à créer un tel chef-d’œuvre?

Alors que j’étais sur le point de me défiler face à l’adversité et d’abandonner le rap, le couplet de Fluggy m’a mis un coup de pied dans le derrière et m’a encouragé à redoubler d’efforts. J’ai donc retroussé mes manches et je me suis mis au travail. À son insu, mon petit frère était devenu ma principale source de motivation : si Fluggy a été en mesure d’écrire un tel couplet, je dois être capable d’en faire autant.

Quelques jours plus tard, j’ai fini l’écriture de mon couplet. Évidemment, il n’était pas aussi bon que celui de Fluggy, mais je l’avais terminé et c’était l’essentiel. J’étais allé jusqu’au bout de mes efforts, et ça c’était une belle réussite.

Alors que je m’apprête à sortir mon nouvel album En attendant…le luxe, je ne peux m’empêcher de penser à ce moment fatidique. Ce jour-là, Fluggy a ouvert le champ des possibles et pour ça, je lui en serai éternellement reconnaissant.

I love you my man, God bless you, Thug Life.