LA THÉORIE DU DANGER

 « Quand tu sais que tu es en danger, tu n’es plus en danger. C’est quand tu ne sais pas que tu es en danger, que tu es en danger. C’est de ça qu’il s’agit », disait Rigobert Song en prélude du match retour opposant le Cameroun à l’Algérie, dans le cadre des éliminatoires pour la Coupe du monde 2022 au Qatar. Lorsque les lions indomptables se sont qualifiés dans les arrêts de jeu de la prolongation, la théorie du danger est passée à la postérité.

Le mois dernier, mon téléphone n’a pas arrêté de sonner après la défaite du Cameroun face à la modeste équipe de l’Ouzbékistan. De nombreux amis m’ont appelé pour me charrier, et à chaque fois, j’ai été obligé de leur expliquer la théorie du danger de Rigobert Song.

Avant d’entamer toute discussion, je pense qu’il est important de rappeler certains faits. Pour ceux qui l’ignorent, les Lions indomptables ont participé à sept éditions de la coupe du monde, et les participations les plus réussies sont les deux premières, où le Cameroun faisait figure de petit poucet.

En 1982, le Cameroun demeure invaincu lors du mondial espagnol. Il fait match nul contre l’Italie, le futur vainqueur du tournoi, et se fait refuser injustement un but complètement valide pour un hors-jeu imaginaire face au Pérou. Même si le Cameroun ne traverse pas le premier tour, cette première participation est un franc succès. Le Cameroun a tenu tête à l’Italie et aurait composté son billet pour les huitièmes de finale si l’arbitrage avait été à la hauteur. Malheureusement, à cette époque-là, la VAR n’existait pas. À l’issue des matches de poule, les lions indomptables ont le même nombre de points et le même goal average que la Squadra Azzurra. Malheureusement, l’Italie se qualifie in extremis, au détriment du Cameroun, parce qu’elle a marqué un but de plus.

Cette expédition de 1982 surprend de nombreux observateurs qui pensaient que le Cameroun était venu pour faire de la figuration. Ils ne vendaient pas cher la peau du lion, notamment parce que le Cameroun n’avait pas pu se qualifier pour la Coupe d’Afrique qui avait eu lieu en Libye, quelques mois auparavant. Cette année-là, les Lions indomptables avaient été magnifiques tout au long du tournoi parce qu’ils savaient qu’ils étaient en danger.

En 1990, même scénario, différents acteurs. Le tirage au sort de la Coupe du monde n’est pas clément envers les Lions indomptables puisque le Cameroun tombe dans un groupe extrêmement difficile dans lequel se trouvent l’Argentine qui est championne du monde, et l’URSS qui est vice-championne d’Europe.

Les soi-disant experts pensent que les adversaires du Cameroun ne vont faire qu’une bouchée du petit poucet. Ils sont confortés dans leurs croyances par la piètre prestation du Cameroun à la CAN en Algérie, où le Cameroun est éliminé au premier tour après des défaites face à la Zambie et le Sénégal. L’entraîneur argentin, qui avait assisté aux matches des Lions indomptables, ose même dire que « le Cameroun n’est pas un adversaire redoutable ». Quelques mois plus tard, les Lions indomptables battent l’Argentine lors du match d’ouverture de la Coupe du monde, et vont jusqu’en quarts de finale de la Coupe du monde, une première pour une nation africaine. La morale de l’histoire? Le Cameroun a réalisé ces exploits en 1982 et en 1990, car il savait qu’il était en danger.

Les plus grosses désillusions du Cameroun en Coupe du monde ont eu lieu en 2002 et en 2014. À mon avis, la plus grande déception est survenue au Mondial co-organisé par le Japon et la Corée du Sud. À cette époque, le Cameroun était sur un nuage. Il venait de remporter les deux dernières éditions de la CAN et avait obtenu la médaille d’or aux Jeux olympiques de Sydney.

De plus, les lions indomptables étaient dans un groupe relativement facile avec des adversaires tels que l’Allemagne, l’Arabie saoudite et l’Irlande du Nord. Pour beaucoup d’observateurs, le Cameroun allait se rendre au moins en huitième de finale. L’optimisme était à son paroxysme, car les matches amicaux étaient de bonne facture. Pendant la préparation, le Cameroun avait fait un match nul face à la redoutable équipe d’Argentine. Croyant que nous n’étions pas en danger, on va rentrer de l’expédition coréenne la queue entre les jambes.

Bis repetita en 2014. Après un match nul convaincant face à la Mannschaft, le Cameroun est optimiste peu avant le coup d’envoi de la coupe du monde au Brésil. Les Camerounais pensent qu’ils peuvent créer la surprise. Que nenni. Trois matches, trois défaites, une rixe entre Moukandjo et Assou-Ekotto, le coup de sang d’Alexandre Song… Bref, l’aventure sur les terres brésiliennes est un fiasco sur toute la ligne. Que s’est-il passé en 2002 et 2014? La réponse est simple : les Lions indomptables ne savaient pas qu’ils étaient en danger.

La Coupe du monde au Qatar approche à grands pas, et les Lions indomptables n’ont pas réussi à rassurer leurs fans. Le moral n’est pas au beau fixe, car l’équipe marque peu de buts et les prestations laissent à désirer. La dernière fois que les fans des lions indomptables étaient si peu enthousiastes à la veille d’une compétition, c’était en 2017 juste avant la CAN au Gabon. À cette époque-là, plusieurs cadres de l’équipe s’étaient désistés, et le Cameroun s’était rendu en terre gabonaise avec des seconds couteaux. Savez-vous ce qui s’est passé ensuite? Le Cameroun a remporté la CAN. 

À l’aube de la Coupe du monde au Qatar, les inquiétudes des fans des lions indomptables sont légitimes, mais je tiens à les rassurer: Le Cameroun ira au moins en quart de finale de la Coupe du monde. Comme je vous l’ai dit au mois de janvier dernier, c’est dans l’adversité que le Cameroun se révèle.

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